Quelles ressources mobiliser pour mener à bien un projet numérique autour des données ? - Retour sur la semaine d'intégration de la promotion 3 des entrepreneur(e)s d'intérêt général
Retour sur le bootcamp d’intégration de la promotion 3 des entrepreneur(e)s d’intérêt général
Les EIG travaillent avec leurs mentors et des membres de betagouv au BercyLab.
Cela fait 3 ans que le programme EIG existe. 3 ans qu’il mène des projets numériques en lien avec les données dans le but de mieux outiller les administrations et de mieux servir les citoyens. 3 ans qui nous ont permis de créer une communauté d’experts autour d’EIG et de consolider une méthode de gestion de projets numériques au sein de l’Etat. En effet, les défis font souvent face à des problématiques similaires en lien avec les valeurs que défend le programme : la collaboration entre experts métiers de l’administration et experts du numérique extérieurs, le développement d’outils réutilisables par d’autres administrations, avec une logique open source, la pérennisation des outils en interne des administrations….
Voici les difficultés que nous avons rencontrées pendant les précédentes promotions et les ressources que nous avons mobilisées pour les surmonter.
1. Accéder à des données… et les ouvrir
Le programme s’est construit autour d’une conviction, partagée par les EIG : l’exploitation des données peut être un levier d’amélioration de l’action publique. Pourtant, certains EIG doivent faire face à un obstacle inattendu : relever un défi numérique utilisant des données… sans données. Plusieurs raisons possibles à cela : la mise à disposition des données pour les EIG passe par de longs circuits de validation, les données font l’objet de précautions particulières parce qu’elles sont sensibles, la gouvernance des données doit être clarifiée avant que celles-ci ne soient confiées aux EIG…
Dans ce cas, les EIG peuvent faire plusieurs choses :
- découvrir l’historique d’un défi pour comprendre pourquoi les données ne sont pas encore disponibles. Etalab accompagne différentes administrations sur les sujets liés aux données et anime un écosystème de parties prenantes du numérique. C’est pourquoi elle peut souvent expliquer les tenants et aboutissants d’un projet devenu défi EIG. Elle peut également mettre les EIG en relation avec les parties prenantes du défi qui sont susceptibles de débloquer la situation.
- demander l’accès aux données grâce à un argumentaire juridique et stratégique. Chaque administration dispose d’une direction des affaires juridiques ; les EIG peuvent solliciter la leur pour appuyer leur demande d’accès aux données. Par ailleurs, plusieurs ministères ont nommé un administrateur général des données (AMD). Les AMD coordonnent la politique de la donnée de leurs administrations et peuvent être sollicités pour des questions d’accès et de gouvernance de données. En dernier recours, les EIG peuvent demander le soutien du pôle juridique d’Etalab. Les EIG ou leurs administrations peuvent également saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Cette instance peut émettre un avis sur l’accès à ou la réutilisation de documents administratifs ou d’informations publiques.
- intégrer les données qui sont déjà accessibles. Certaines données sont déjà disponibles, soit en sous forme de jeux de données en open data sur data.gouv.fr, soit à travers des API sur api.gouv.fr. Elles peuvent ne représenter qu’une partie des données nécessaires à la réalisation du défi, mais constituent un début. Par ailleurs, les API sont des briques techniques qui peuvent être directement intégrées dans l’outil développé. Un très bon début, donc.
Si les EIG travaillent sur des données qui représentent un intérêt social, économique ou environnemental et qui peuvent être ouvertes, ils peuvent s’appuyer l’équipe du pôle open data d’Etalab pour les ouvrir. Ce fut le cas du défi Prédisauvetage qui a travaillé sur des données concernant les interventions d’assistance et de sauvetage en mer : les EIG, avec l’accord de la Direction des affaires maritimes, ont mis à disposition ce jeu de données très riche sur la plateforme data.gouv.fr. Un win-win, en quelque sorte : les administrations disposent d’outils pour exploiter leurs données et la société civile accède à des données intéressantes.
2. Cadrer le défi en fonction de ses utilisateurs
Un outil ne sert que s’il est utilisé. Derrière cette lapalissade se cache une préoccupation majeure pour chaque défi : se focaliser sur ses utilisateurs pour que ceux-ci s’approprient les outils développés. Or, penser un outil en fonction de ses utilisateurs implique une démarche particulière : rencontrer les utilisateurs potentiels, cerner leurs besoins, prototyper vite pour leur proposer de tester l’outil, améliorer l’outil grâce à leurs retours … bref, une démarche de design.
Pour adopter une démarche de design, plusieurs acteurs peuvent aider les EIG à :
- découvrir et appliquer les méthodes du design. Cette année, comme l’année dernière, plusieurs défis ont recruté des designers. Si leur priorité reste leurs défis, nous avons pu constater qu’ils se mobilisaient volontiers pour en aider d’autres. Ils peuvent leur transmettre des notions de base sur le design, partager des outils, faire des design review - une session où l’on passe en revue une interface pour relever les incohérences ou incompréhensions pour l’utilisateur… D’ailleurs, une communauté UX-services publics se constitue depuis quelques mois et diffusera ces méthodes dans l’administration !
- tester la qualité d’un outil numérique. La DINSIC collabore avec la direction de l’information légale et administrative (DILA) sur le projet PIDILA. Il propose par exemple une “checklist” permettant d’évaluer la qualité d’un site web et une bibliothèque de composants HTML/CSS/JS compatibles avec les exigences de qualité et d’accessibilité.
- tester l’accessibilité d’un outil numérique. Pour aider à concevoir des outils accessibles by design, la DINSIC permet de tester un outil auprès d’un panel d’utilisateurs qui font des retours en fonction de leurs handicaps. La question de l’accessibilité se pose souvent trop tard, une fois que l’outil est pensé et une première version produite. La DINSIC permet de se la poser le plus tôt possible et de disposer d’outils concrets pour bien concevoir son outil.
3. Penser la mise en open source de son produit
L’ouverture est une valeur fondamentale du programme. Essentiellement par pragmatisme : ouvrir le code source des outils développés permet aux EIG de bénéficier de retours précieux et à toutes les administrations de réutiliser les briques technologiques ainsi créées. Un gain de temps et d’argent pour tout le monde. L’open source est parfois un sujet nouveau pour les EIG et peut ne pas entrer dans les considérations de leurs administrations d’accueil. Porter l’open source n’est donc pas toujours chose facile, soit parce qu’on ne s’y connaît pas assez pour choisir une licence, soit parce qu’on ne connaît pas les bonnes pratiques du libre, soit parce qu’on se heurte à de la résistance en interne…
Pour les aider à mettre les outils développés en open source, les EIG peuvent compter sur Bastien Guerry, référent logiciels libres d’Etalab, pour :
- comprendre les enjeux liés aux logiciels libres dans l’administration. Bastien peut partager son expérience de développeur et de mainteneur de projets libres et répondre à vos questions. Il a notamment publié un mini-guide sur l’ouverture du code source d’un logiciel et anime des ateliers pour les EIG.
- faire de la médiation auprès de leurs administrations d’accueil. Si les codes sources sont pour la plupart partagés librement à Etalab, certaines administrations ont besoin d’être convaincues des avantages qu’une telle démarche présente et accompagnées dans leur façon de l’intégrer au bon déroulement du défi.
- aider à choisir la licence et la gouvernance appropriée. Choisir une licence adaptée est une condition nécessaire pour diffuser un logiciel libre. Mais l’ouverture du code source incite à se poser d’autres questions : veut-on encourager les contributions extérieures ? Si oui, quelle gouvernance mettre en place ? Si d’autres administrations utilisent ce logiciel, quelle maintenance et quelles évolutions à moyen terme ? Le référent logiciel libre peut donner des conseils sur la manière d’assurer l’appropriation de l’outil et, si besoin, d’animer une communauté de contributeurs.
4. Traiter des données sensibles
Les données sont une matière précieuse et demandent à être traitées avec précaution. En effet, certaines d’entre elles sont dites sensibles, notamment les données personnelles : elles touchent des sujets comme la santé ou la justice et demandent un traitement particulier, comme l’anonymisation, avant d’être réutilisées. Par ailleurs, toutes les données, sensibles ou pas, exigent une réflexion sur les utilisations qui en seront faites. Les données ne sont pas la solution en soi, seules les personnes qui les utilisent et les usages qui en sont fait peuvent répondre à une problématique.
Au sein de l’Etat, l’usage éthique des données est porté par plusieurs acteurs qui peuvent :
- nourrir la réflexion sur l’utilisation des données mises à disposition. La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) est une autorité administrative indépendante qui s’assure que l’informatique reste au service des citoyens en intervenant notamment sur la question des données personnelles. Elle émet des avis sur les projets de loi et décrets et produit des outils comme le guide de l’open data (en association avec les services de la CADA et d’Etalab) à mettre entre toutes les mains. Etalab est particulièrement mobilisé sur le sujet des algorithmes publics. Ses membres, et notamment Simon Chignard, mènent une réflexion avec d’autres acteurs comme la Fondation internet nouvelle génération (FING) sur la manière de concevoir des algorithmes publics justes et responsables.
- animer un groupe de travail sur les enjeux éthiques de certains projets. Dans le cadre de la promotion EIG 3, Simon Chignard, aux côtés d’autres acteurs, organise un groupe de travail pour certains défis qui comportent des enjeux sociétaux et éthiques (Open Justice, DataJust, Open Chronic, CibNAV). Pendant l’année, les équipes défis se rassembleront régulièrement pour travailler sur différents aspects liés à la redevabilité des algorithmes publics : impact, données utilisées, explicabilité, biais, etc.
5. Résoudre des problèmes techniques spécifiques
Les EIG sont recrutés pour leurs compétences techniques d’exception, mais aussi pour leurs capacités d’adaptation et d’apprentissage. En effet, ils forment de petites équipes polyvalentes et sont donc souvent amenés à se former pour mener à bien leurs projets : untel apprend un nouveau langage de programmation, un autre perfectionne ses connaissances en NLP (natural language processing), un troisième découvre le développement front-end… Les défis techniques ne manquent pas, c’est pourquoi le programme encourage l’apprentissage de pair à pair.
Les promotions écoulées nous ont appris que quand les EIG rencontrent des problèmes, ils vont souvent :
- s’aider entre eux. Une promotion d’EIG est riche des compétences de chacun : cette année, 32 EIG représentent autant de spécialistes qui peuvent se former entre eux, partager et résoudre des bugs ensemble… C’est une façon de faire particulièrement efficace qui nous conforte dans le fonctionnement par promotion. C’est aussi ce qui nous a poussés à créer le défi “EIG Link”, 2 EIG de la promotion précédente désormais en charge du soutien technique, de l’animation de la promotion et de la valorisation de ce qui est produit.
- échanger avec les data scientists, designers, développeurs et développeuses d’Etalab. Au sein d’Etalab, ces compétences se côtoient au jour le jour pour mener des projets divers : développer la plateforme data.gouv.fr, accompagner des projets de data science au sein des administrations… Par exemple, le pôle de data science a commencé à travailler sur un outil d’anonymisation des décisions de justice qui sera être utile aux défis Open Justice et DataJust. Les EIG pourront travailler avec le pôle data science pour faire évoluer l’outil et se l’approprier. Le fait que le programme soit piloté par Etalab rend la mise en contact avec les EIG beaucoup plus facile et les échanges enrichissants pour les deux parties.
6. Résoudre des problématiques spécifiques au développement d’un projet numérique dans l’Etat
Enfin, voici la leçon la plus importante que nous ont apprise des deux premières promotions : il faut capitaliser sur les expériences des autres et faire profiter de son expérience à soi. Les projets numériques au sein de l’Etat ne manquent pas, les obstacles à leur réalisation non plus. La bonne nouvelle ? Ces obstacles sont souvent les mêmes, que l’on soit une start-up d’Etat, un lieu d’innovation publique ou un défi EIG, et tous ces acteurs ont trouvé des solutions.
C’est pourquoi pendant le bootcamp de février 2019, nous avons tenu à présenter un maximum d’acteurs de l’innovation publique aux EIG. En discutant avec eux, les EIG ont pu :
- s’inspirer de démarches déjà entreprises. Les EIG ont particulièrement apprécié d’échanger avec des représentants de l’incubateur des start-ups d’Etat, betagouv. Découvrir leur méthode (identifier un irritant dans la relation entre un service public et ses usagers, mettre en place des indicateurs parlants, prototyper vite, accepter les échecs…) a notamment alimenté les discussions entre les EIG et leurs mentors sur le cadrage de leurs défis.
- découvrir un écosystème de l’innovation publique. Le bootcamp s’est déroulé en partie au lab 110 bis, lab d’innovation de l’Education nationale, et au Liberté Living Lab, incubateur de start-ups d’intérêt général. Ces lieux sont animés par des acteurs publics et privés, portent des initiatives diverses, mais ont l’intérêt général en partage. Cette diversité est une ressource pour les EIG.
- faire la connaissance de LEON (les entrepreneurs ouverts du numérique), la communauté des alumni EIG. Les anciens EIG sont peut-être les plus à mêmes de comprendre les hauts et les bas par lesquels passent les actuels EIG. Cette expérience à nulle autre pareille en a motivé certains à se constituer en association et à se mettre à la disposition des EIG 3 pour proposer des formations techniques, partager des astuces méthodologiques, bref, pour faire du partage d’expérience.
Le bootcamp a été l’occasion de constater la richesse de la communauté qui s’est développée autour du programme EIG. Nous mesurons la chance que nous avons de pouvoir compter sur des acteurs aussi divers et aussi engagés et nous aimerions ici les remercier. Cette communauté constitue un facteur essentiel de succès pour les défis EIG : les ressources techniques, méthodologiques, humaines qu’elles représentent permettent aux EIG de s’attaquer sereinement aux problèmes qu’ils rencontrent. En retour, les EIG font profiter tous ces acteurs de leurs compétences, de leur regard neuf et de leur volonté de transformer l’administration de l’intérieur. L’équipe de coordination du programme au sein d’Etalab prend très à cœur sa mission de mise en relation des EIG avec toutes ces ressources. C’est ainsi qu’elle permet aux EIG de travailler dans un cadre qui n’est pas la norme au sein de l’Etat. Tous les porteurs de projets d’innovation publique ne bénéficient pas d’un cadre aussi privilégié, mais les ressources que nous avons citées sont à la disposition de tous.
Si vous portez un projet numérique en lien avec les données, nous espérons vous avoir donné un panorama des ressources qui sont à votre disposition pour le faire aboutir dans les meilleures conditions. Fidèles à nos valeurs d’innovation ouverte et d’apprentissage, nous espérons que ce partage d’expérience aura su vous inspirer, quel que soit votre état d’avancement.
Si vous avez une quelconque question, contactez-nous : entrepreneur-interet-general@data.gouv.fr.